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JOURNÉE II, SCÈNE IV.



JOURNÉE TROISIÈME.


Scène I.

Les environs de Galère. — Il est nuit.
Entre DON ALVAR. ALCOUZCOUZ dort étendu dans un coin du théâtre.
don alvar.

Nuit sombre et froide, c’est à ton silence que mon espérance confie mes entreprises, mon amour son bonheur, mon âme sa victoire ; car bientôt, plus brillante que les étoiles, et t’éclairant de sa vive clarté, Maléca, ma douce proie, se trouvera dans mes bras amoureux. Porté sur l’aile du désir, me voilà arrivé sous les murs de Galère. Que ce ravin profond, que la nature entoura sans art d’impénétrables labyrinthes, soit pour cette nuit l’asile de mon coursier fidèle ; et puisque personne ne me voit, attachons-le à cet arbre, qui me le gardera mieux que ce misérable qui la nuit passée… Tout alarme un cœur amoureux. (Il se heurte contre Alcouzcouz et chancelle.) Oui, cet accident même m’inquiète, et je regarde comme un funeste augure, au moment où je veux m’approcher du rempart, que mon pied ait trébuché contre un cadavre. Tout ce que j’ai vu, tout ce que j’ai rencontré aujourd’hui, me remplit de tristesse, d’horreur et d’épouvante… Hélas ! pauvre infortuné qui as trouvé ton tombeau au pied de la montagne ! Mais non, heureux, heureux mille fois, toi que la mort a pour jamais affranchi des ennuis qui m’accablent !

alcouzcouz, se réveillant.

Qui marcher sur moi ?

don alvar.

Que vois-je ? Qu’entends-je ? Qui es-tu ?

alcouzcouz.

Alcouzcouz, à qui toi ordonner de t’attendre avec la jument, et être resté ici sans que personne m’avoir vu. Il être bien tard pour retourner à Gabia ; mais toujours les amans paresseux pour revenir.

don alvar.

Que fais-tu ici, AIcouzcouz ?

alcouzcouz.

Comment toi le demander, si moi t’attendre ici depuis que toi être entré par la poterne pour voir Maléca ?

don alvar.

A-t-on jamais vu !… Quoi ! tu serais resté là depuis hier au soir !