Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome II.djvu/218

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
208
À OUTRAGE SECRET VENGEANCE SECRÈTE


Entre DON JUAN.
don juan, à part.

Je ne sais pas comment mon cœur n’est pas brisé par les coups réunis de ces deux grands chagrins.

léonor.

Quoi ! c’est vous, seigneur don Juan ?… Pourquoi donc n’avez-vous pas ramené don Lope avec vous ?

don juan.

Je n’ai pas eu le loisir de l’attendre. Il m’avait promis d’être ici avant le coucher du soleil.

léonor.

Je n’y compte pas maintenant. Voyez, la nuit a répandu au loin ses ténèbres épaisses. Vous auriez dû revenir avec lui, seigneur don Juan.

don juan.

Je l’aurais attendu, madame ; mais cela ne m’a pas été possible. J’ai une telle affliction, que, loin de vouloir en importuner un ami aussi cher, je me fuirais moi-même.

don louis, dans l’éloignement, sur la mer.

Que le ciel me soit en aide !

léonor.

Qu’est-ce donc ?

don juan.

Rien, madame.

léonor.

Vous n’avez pas entendu ?

don juan.

Ce n’est rien ; c’est le vent qui a gémi à travers les arbres.

léonor.

Non, c’est la voix d’un homme qui poussait un cri de détresse.

don juan.

Cependant, madame, il n’y a personne autour de nous.

léonor.

Il est vrai ; moi non plus je n’aperçois personne.

syrène.

Voyez ! là-bas ! là-bas ! sur la mer !… On s’approche.

léonor.

Je découvre à travers l’obscurité je ne sais quoi qui se meut sur les flots.

don juan.

C’est un homme qui lutte énergiquement contre une mort presque certaine. Puisque la pitié du ciel l’a conduit de ce côté, je cours le secourir.

léonor, à part.

Pourvu que ce ne soit pas lui !