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À OUTRAGE SECRET VENGEANCE SECRÈTE

Ainsi moi je ferai. — (Il s’approche de don Louis.) Vous avez tenu bien peu de compte, seigneur cavalier, de mes offres de service, puisque vous ne m’avez rien demandé ou ordonné. Cependant je m’étais mis complètement à votre disposition. Pour moi, j’ai été tellement charmé de votre courtoisie, de votre esprit et de votre vaillance, que je vous ai cherché dans tout Lisbonne afin de vous prier de nouveau de vous servir de moi à l’occasion. Mon secours ne vous serait pas inutile, je pense, contre ce rival perfide qui pourrait bien vous donner la mort au moment où vous y songez le moins.

don louis.

J’estime vos offres autant que je le dois, seigneur don Lope, mais mon titre d’étranger m’a ôté la hardiesse d’en user ; et puis je n’aurais pas voulu vous commettre, vous, avec ce rival. À cette heure, l’affaire s’est arrangée ; nous sommes assez amis ensemble, et je lui parle de la même façon à peu près que je vous parle à vous-même.

don lope.

Je vous crois. Mais songez-y bien, vous courez des risques. L’amitié d’un homme outragé n’est pas une amitié très-sûre.

don louis.

Moi, au contraire, la sienne m’encourage. Je puis être sûr désormais de tout le monde, puisque je suis sûr de mon ennemi.

don lope.

Ne vous y fiez pas.

don louis.

Pourquoi donc ?

don lope.

Quoiqu’il me fût facile de vous répliquer par des raisons plus ou moins bonnes, je vous laisse à votre avis et demeure du mien. — Pour changer de conversation, que cherchez-vous ici, dites moi ?

don louis.

J’aurais voulu une barque qui m’eût transporté au Jardin du roi.

don lope.

Vous arrivez on ne peut plus à propos, je puis vous être utile. J’en ai une à mes ordres.

don louis.

La foule de gens qui se portent là-bas et qui ont pris toutes les barques, m’oblige d’accepter votre offre gracieuse. Je désire vivement assister au départ de l’armée. C’est un de ces spectacles qu’on ne voit pas deux fois dans la vie.

don lope.

Eh bien ! vous viendrez avec moi.

don louis.

Très-volontiers.