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À OUTRAGE SECRET VENGEANCE SECRÈTE


Scène III.

Une chambre dans la maison de don Lope.
Entre SYRÈNE.
syrène.

À un trompeur, une rusée. Je me suis bien jouée de lui ; mais il s’est encore mieux joué de moi avec ses injures que j’étais obligée de dévorer… — Qu’il eût dit que j’étais laide, passe encore, cela ne me touchait pas… que j’étais sotte, malpropre, pas davantage… mais dire que mes yeux pleurent la… quelle horreur ! Il me le payera cher, le scélérat !


Entre LÉONOR.
léonor.

Ah ! Syrène !

syrène.

Madame ?

léonor.

Que ton absence m’a inquiétée ! — L’as-tu vu ?

syrène.

Oui, madame, et il vous envoie sa réponse dans cette lettre. Il m’a dit en outre de vive voix que si vous lui permettiez de vous voir une seule fois, après il vous laisserait tranquille et s’en irait.

léonor.

Que la légèreté m’afflige ! — Pourquoi donc as-tu pris cette lettre ?

syrène.

J’ai pris cette lettre, madame, pour vous la donner.

léonor, à part.

Ah ! pensée cruelle ! que tu t’insinues facilement dans mon cœur !

syrène.

Qu’importe maintenant que vous la lisiez ?

léonor.

Tu as de moi une jolie opinion ! Tais-toi, Syrène… Il faut la brûler… la déchirer. (À part) Elle ne me comprend pas, cette vilaine sotte ! Ne devrait-elle pas me presser, me prier de lire ?

syrène.

Quelle faute, madame, a commise cette lettre, qui est venue ici sans s’en douter, pour que vous la punissiez de votre colère ?

léonor.

Eh bien ! si je la prends, tu le verras, que c’est pour la déchirer.

syrène.

Ne la déchirez, du moins, qu’après l’avoir lue.

léonor.

Il faudrait que tu m’en suppliasses bien fort.