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BONHEUR ET MALHEUR DU NOM.

don félix.

Si je l’eusse pensé, je me donnerais un démenti à moi-même.

doña serafina.

Je ne suis pas si susceptible.

don félix.

Permettez-moi, madame, de vous répéter en mon nom ce que vous m’avez fait l’honneur de me dire en entrant. — Vous, non contente de savoir comment j’allais, vous avez voulu le voir ; et moi de même, après vous avoir entendue, je désire vous voir également. Ne vous éloignez pas ; découvrez-vous, que je sache à qui je dois une si haute faveur ; songez qu’il n’y a que la perfidie qui se cache le visage.

doña serafina.

Je pense, au contraire, que rendre un service et le cacher c’est ajouter au bienfait ; car c’est ne pas demander en retour de la reconnaissance.

don félix.

Je vous serai toujours reconnaissant, madame, bien que fâché en même temps.

doña serafina.

En quoi donc puis-je vous avoir offensé ?

don félix.

Vous savez bien, madame, qu’envoyer à un homme des joyaux et des bijoux de prix, c’est plutôt payement que faveur ; et ainsi permettez, je vous prie, que je rende à votre suivante…

doña serafina.

Je me félicite d’autant plus de ne m’être pas découvert le visage…

don félix.

Pourquoi donc ?

doña serafina.

Parce que ainsi vous ne verrez pas la rougeur qui en vous entendant a soudain coloré mes joues.

don félix.

Je n’y croirai point si je ne la vois pas.

doña serafina.

Je ne puis vous le prouver ; car, bien que je ne sois pas laide à faire peur, j’ai plus d’un motif pour ne pas me laisser voir.

don félix.

Comment ?

doña serafina.

Vous devez avoir vu ici doña Serafina, qui passe dans le quartier pour une beauté accomplie, et après elle je ne vous paraîtrais pas bien.

don félix.

Vous me mettez, madame, dans un grand embarras.