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JOURNÉE III, SCÈNE IV.

fabio.

Très-bien, très-bien, Lelio. Tu as autant de prévoyance que d’attachement. — Va donc détacher la jument, et partons. Toutefois, j’ai une espèce de pressentiment qui me dit que je ne devrais pas être si pressé de rentrer à la maison… J’ai peur d’effrayer Laura. Elle m’aime tant, la pauvre enfant, que je ne sais pas trop comment elle supportera de me voir revenir ainsi équipé.

lelio.

Je ne doute pas non plus qu’elle n’en éprouve un vif chagrin ; ma maîtresse vous est si dévouée !

fabio.

Je suis sûr, Lelio, qu’elle est déjà couchée à cette heure.

lelio.

Certainement, monseigneur.

fabio.

Il m’en coûte beaucoup d’avoir à la réveiller ; mais il n’y a pas moyen de faire autrement… Puis nous prendrons des précautions… Je frapperai à la principale porte. Comme c’est la plus éloignée de son appartement, il se pourra qu’elle n’entende pas de bruit.

lelio.

Occupez-vous d’abord de votre santé, monseigneur ; c’est à quoi ma maîtresse tient le plus.

fabio.

Tu ne dois pas t’étonner, Lelio, ou tu dois t’étonner moins qu’un autre, que je sois aussi bon ménager de son repos. Tu connais ma tendresse pour elle. Je suis, avec mes cheveux blancs, amoureux de sa sagesse comme tous nos jeunes gens le sont de sa beauté. — Partons, Lelio.

Fabio et Lelio sortent.

Scène IV.

Une rue d’Ocaña, la nuit.
Entrent LISARDO et DON FÉLIX.
don félix.

En vérité, votre aventure m’a fort réjoui Je n’en connais pas de plus curieuse.

lisardo.

Voilà l’essentiel, don Félix. J’ai passé sous silence mille petits détails, de peur de vous ennuyer. — Et maintenant, adieu. On m’attend ; c’est l’heure.

don félix.

Un moment, s’il vous plaît. Vous me dites que vous allez voir une dame dans la maison de laquelle vous avez été déjà en péril, et vous me dites de vous laisser ! ce sont deux choses qui ne vont pas ensemble, mon cher. Je ne suis pas de ces amis qui se contentent du