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JOURNÉE III, SCÈNE I.

et sans rendre nécessaire l’intervention de Lisardo, mais, grâces à la jalousie que ma présence a causée, Laara n’a point achevé son récit, et maintenant je n’ai plus rien à craindre.

silvia.

Vous avez été heureuse, madame, d’en être quitte à si bon marché ; il n’y aura rien à regretter si cela vous sert de leçon.

marcela.

Es-tu folle, Silvia, de penser qu’un péril évité serve jamais de leçon pour l’avenir ? Pour moi, le bonheur avec lequel je me suis tirée de celui-là m’enhardit ; je ne songe plus à cette heure qu’aux moyens de me retrouver avec Lisardo.

silvia, à voix basse.

Silence, madame !… Écoutez !… j’entends du bruit.


Entre DON FÉLIX.
don félix.

Marcela ?

marcela.

Quel motif extraordinaire vous amène dans mon appartement ?

don félix.

Je viens vous confier mes peines, et réclamer de vous une véritable preuve d’amitié, un service auquel j’attache le plus grand prix.

marcela.

De quoi s’agit-il ?

don félix.

Cette nuit, un moment après que vous avez eu quitté Laura, je suis entré dans sa maison, et j’ai vu là… — Ah ! malheureux !

marcela.

Dites, qu’est-ce donc que vous avez vu ?

don félix.

Un homme.

marcela.

Un homme !

don félix.

Oui.

marcela.

Quelle abomination !

don félix.

Ce n’est pas tout, Marcela.

marcela.

Eh ! quoi encore ?

don félix.

Ce matin elle est venue ici dans le but de s’excuser, et lorsqu’elle allait d’un mot peut-être m’apaiser, il est sorti du cabinet — une femme.