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JOURNÉE III, SCÈNE III.

porterai sur moi-même. — Astolfe, donnez sans retard la main à Rosaura ; vous savez que cette réparation est due à son honneur, et je l’attends de vous.

astolfe.

Seigneur, j’ai contracté, je l’avoue, des obligations à son égard ; considérez, cependant, qu’elle-même ignore qui elle est, et qu’il serait indigne de moi d’épouser une femme qui…

clotaldo.

Arrêtez, n’achevez pas… Rosaura est aussi noble que vous, Astolfe, et mon épée le soutiendra dans le champ. Elle est ma fille : c’est tout dire.

astolfe.

Que dites-vous ?

clotaldo.

J’attendais, pour découvrir ce secret, que je l’eusse vue honorablement établie. Je ne puis entrer en ce moment dans de plus longs détails ; mais enfin, elle est ma fille.

astolfe.

Puisqu’il en est ainsi, je ne me refuse plus à tenir ma parole.

sigismond.

Maintenant, pour qu’Estrella ne regrette pas tant la perte d’un si noble prince, je veux lui donner de ma main un mari qui ne le cède en rien à Astolfe, soit par la fortune soit par le mérite.(À Estrella.) Donnez-moi la main.

estrella.

Je ne m’attendais pas à tant de bonheur.

sigismond.

Quant à Clotaldo, qui a servi mon père si fidèlement, j’espère l’avoir toujours pour ami, et je lui accorde d’avance toutes les grâces qu’il peut souhaiter.

un des personnages.

Si vous récompensez ainsi un homme qui ne vous a point servi, — à moi qui ai causé le soulèvement du royaume et qui vous ai tiré de prison, — que me donnerez-vous ?

sigismond.

La prison ; et afin que tu n’en sortes qu’à ta mort, je t’y ferai soigneusement garder. Une fois la trahison accomplie, on n’a plus besoin du traître.

le roi.

Nous sommes tous dans l’admiration.

astolfe.

Quel changement s’est opéré en lui !

rosaura.

Quelle sagesse et quelle prudence !

sigismond.

Pourquoi donc montrez-vous cet étonnement ?… Puisque c’est un