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JOURNÉE III, SCÈNE III.

rosaura.

Rien.

clotaldo.

Voyons donc s’il n’y aurait pas d’autre moyen…

rosaura.

C’est le seul moyen de me perdre.

Elle sort.
clotaldo.

Eh bien ! si tu veux absolument ta perte, — attends-moi, ma fille ; nous nous perdrons ensemble.

Il sort.

Scène III

Un lieu retiré dans la campagne.
On bat le tambour, des Soldats défilent dans le lointain. Entrent SIGISMOND, couvert de peaux de bête, et CLAIRON
sigismond.

Si Rome triomphante, comme à son premier âge, me voyait en ce jour, comme elle saisirait avec joie l’occasion de mettre à la tête de ses armées une bête sauvage dont le courage irrésistible aurait bientôt conquis le monde !… Mais ne laissons pas s’élever si haut nos pensées orgueilleuses, et ne désirons pas tant la gloire humaine, si nous devons regretter de l’avoir obtenue quand elle se sera évanouie. Moins cette gloire sera grande, moins nous la regretterons, quand nous l’aurons perdue.

On entend le bruit du Clairon.
clairon.

Sur un cheval rapide et fougueux, qui, à lui seul, représente les quatre éléments, — car son corps, c’est la terre ; son âme, c’est le feu ; son écume, c’est l’eau, et son souffle, c’est l’air ; — donc, sur ce monstre composé, qui a la forme d’un cheval, et qui vole plutôt qu’il ne court, arrive vers nous une femme guerrière.

sigismond.

Elle a un éclat qui m’éblouit.

clairon.

Vive Dieu ! c’est Rosaura.

Il sort.
sigismond.

C’est le ciel qui me l’envoie.

Entre ROSAURA, portant une épée et une dague.
rosaura.

Généreux Sigismond, de qui la majesté héroïque sort enfin des ténèbres où elle était ensevelie, et qui, semblable à cet astre dont les rayons brillants éclairent au loin les monts et les mers, vous levez enfin sur la Pologne, dont vous êtes le bienfaisant soleil ; je viens vous prier d’accorder votre protection à une femme malheu-