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JOURNÉE II, SCÈNE II.

clotaldo.

Un homme qui parle si bien et si facilement doit être placé en un lieu où il pourra parler à son aise. (Aux valets.) Tenez, saisissez-vous de celui-là, et enfermez-le dans la tour.

clairon.

Moi, monseigneur ? Pourquoi ?

clotaldo.

Parce qu’il faut enfermer soigneusement un Clairon qui sait des secrets de cette importance et qui pourrait faire du bruit.

clairon.

Est-ce que j’ai par hasard, moi, voulu donner la mort à mon père ?… Est-ce que j’ai jeté d’un balcon, moi, un pauvre Icare sans défense ? Est-ce que, moi, je rêve et dors ?… Pourquoi donc m’enfermer ?

clotaldo.

C’est que vous êtes Clairon.

clairon.

En ce cas, je ne veux plus être désormais que le plus ignoble des instruments à vent ; je ne suis plus qu’un cornet à bouquin, et je promets de me taire.

Les valets emportent Clairon, et Clotaldo reste seul.
Entre LE ROI, enveloppé dans son manteau.
le roi.

Clotaldo ?

clotaldo.

Quoi ! sire, c’est ainsi que vient votre majesté ?

le roi.

Une folle curiosité de voir comment se comporte Sigismond m’a, hélas ! conduit jusqu’ici.

clotaldo.

Vous le voyez de nouveau réduit à son premier et misérable état.

le roi.

Ah ! prince malheureux et né dans un fatal moment ! (À Clotaldo.) Approchez pour l’éveiller, maintenant que l’opium qu’il a pris a perdu sa force.

clotaldo.

Sire, il est tout agité et il parle.

le roi.

Il rêve sans doute… À quoi peut-il rêver ? Écoutons.

sigismond, rêvant.

Le meilleur prince est celui qui punit les méchants. Que Clotaldo meure de ma main, et que mon père me baise les pieds !

clotaldo.

Il me menace de me tuer.