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DE MAL EN PIS.

— Voilà bien de quoi être en peine ! Fiche le pieu en terre, puis attaches-y la chèvre par un pied avec la corde ; puis, pour contenir la corde davantage, mets dessus la marmite, et dans la marmite mets la poule, et par-dessus la poule et la marmite, mets l’oignon. Ainsi tu n’auras rien à craindre, et tu seras bien sûr de retrouver après, l’oignon, la poule et la marmite, le pieu, la corde et la chèvre… » Lorsqu’une femme veut, il n’y a pas d’obstacle qui tienne ; elle est capable de l’impossible.

don juan.

Pas trop mal.

camacho.

Je crois bien !

don césar.

Tais-toi.

don juan.

Et enfin que comptez-vous faire ?

don césar.

C’eût été avec beaucoup de plaisir que je serais allé lui parler si c’eut été de nuit ou si l’alcayde m’eût permis de sortir. Je trouverais bientôt un endroit commode pour la voir.

camacho.

Mais, ma foi ! vous êtes aussi embarrassé que mon paysan, et plus que lui encore.

don juan.

Je me charge d’obtenir la permission de l’alcayde et je vous offre mon appartement ; vous n’y courez aucun risque, parce que la porte en donne sur une autre rue. Vous sortirez d’ici en carrosse et disposerez tout comme le désire cette dame.

camacho.

À merveille ! Vous prenez si bien vos mesures qu’on dirait que vous avez étudié la leçon de ma fillette.

don juan.

Va, Camacho, arrête une chaise ; voici la clef de mon appartement, et arrange tout pour le mieux. Allons, va, ne tarde pas.

camacho.

En vérité, je me fais à moi-même l’effet d’un cuisinier ; car les cuisiniers accommodent les ragoûts sans les manger, et même quelquefois sans y goûter.

Il sort.
don césar.

Vous me donnez là de précieuses marques d’amitié.

don juan.

C’est en réjouissance de mon bonheur d’aujourd’hui.

don césar.

Je vous devrai ce bonheur ; mais rien n’égalera ma reconnaissance.