Vous me feriez beaucoup de plaisir.
Je l’ai peut-être trop vantée… mais n’importe.
Grâces à Dieu, je me suis tiré d’un mauvais pas ! Ce n’est pas sans peine ni sans peur.
Qu’est-ce donc ?
Quelle peur, dis-tu ?
Il me semble que j’ai à mes trousses une fenêtre et quatre domestiques. J’ai voulu aller voir tout-à-l’heure votre prisonnière, pour m’assurer par moi-même si elle est aussi bien que vous ne cessez de me le répéter, et j’ai trouvé à sa place la fille du gouverneur, un vrai diable, qui, furieuse d’apprendre le motif de ma visite, m’a dit : « Ce n’est pas ici une maison où l’on vienne rendre des messages, et si vous y remettez le pied une seconde fois, j’ordonnerai à quatre domestiques de vous jeter par la fenêtre. » Je n’en ai pas entendu davantage…
Je la reconnais bien là ; elle est aussi sage que belle. — Mais lisons la lettre. Voyons donc un peu cet esprit si merveilleux.
Ce n’est qu’un petit billet, mais charmant. Écoutez. (Il lit.) « Si vous pouvez gagner vos gardes comme j’ai gagné mes surveillantes, j’irai vous voir ce soir, mais à trois conditions : la première, que vous aurez la précaution de tenir prête une chaise à porteurs à la porte de l’Église-Major ; la seconde, que vous aurez à votre disposition une maison où je vous puisse parler ; et la troisième, que vous laisserez chez vous le pistolet. »
Elle écrit fort bien vraiment ; mais il me semble qu’elle a conçu là un projet téméraire et difficile à exécuter.
Écoutez un conte à ce propos. — Un jour un paysan s’en allait portant une corde, un pieu, une poule, un oignon, une marmite et une chèvre. Chemin faisant, il rencontre une grande coquine. Celle-ci l’appelle et lui dit : « Gil, viens ça, causons un peu aujourd’hui dans ce pré. — Je ne puis, dit-il, avec cet attirail ; je perdrais tout cependant. — À quoi, elle : Que tu es bête ! tu ne sais donc pas t’arranger ! que portes-tu là, voyons ? — Regarde : un oignon, une marmite, une chèvre, une poule, une corde et un pieu.