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JOURNÉE III, SCÈNE I.

don juan.

Je n’ai pas le temps ; j’y vole.

Il sort.
flerida.

Il va voir don César, dit-il ! Qu’est-ce que cela signifie ? — Il prend des informations sur nos amours, et après il dit qu’il va le voir !… Mais cela est très-facile à comprendre. En m’interrogeant, il a voulu s’assurer que c’était bien moi ; mes réponses le lui ont prouvé, puisqu’il a montré tant de joie ; et dire qu’il allait le voir, c’était me dire clairement qu’il était venu de sa part… II a ajouté que don César est prisonnier ; eh bien ! allons trouver don César.


Entrent LISARDA et CELIA.
lisarda, à Flerida.

Où allez-vous ?

flerida.

Ah ! madame, félicitez-moi.

lisarda.

Sur quel sujet ?

flerida.

Comme je n’ignore pas le généreux intérêt que vous me portez et le plaisir que vous aurez de mon heureuse fortune, il faut que vous sachiez, madame, que celui que je cherche est ici prisonnier, et qu’il a appris que j’habite chez vous. Ô la bonne idée que j’ai eue de me réfugier dans votre maison, et que je fus bien inspirée alors !… Il ne pourra pas m’accuser de n’avoir pas ménagé ma réputation en son absence !… Je suis folle… je vais voir don César.

Elle sort.
lisarda.

Voilà un autre chagrin, Celia.

celia.

Quel chagrin, madame ?

lisarda.

Hélas ! ce n’est que dans la jalousie seulement que celui qui est simple spectateur voit moins de coups que celui qui joue… Quoi donc ! n’entrevois-tu pas de nouveaux soucis pour moi et de nouvelles inquiétudes ? Ne remarques-tu pas toujours qu’après chaque incident qui survient ma situation est pire qu’elle n’était auparavant ?

celia.

De quelle façon, madame ?

lisarda.

Écoute. — Le Virgile portugais[1] a dit dans une douce chanson : « J’ai vu le bien converti en mal, et le mal en un autre mal pire encore. » — D’un autre côté, un homme d’esprit a comparé le chagrin

  1. Luiz de Camoëns.