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DE MAL EN PIS.

flerida.

Oui, certes, et plût au ciel, seigneur, que je ne l’eusse connu jamais ! car c’est à cause de lui que je suis exilée loin de mon pays, de ma famille, et que ma réputation est perdue, détruite !

don juan, à part.

Cette première réponse déjà me soulage. (Haut.) Dites-moi encore : lui avez-vous donné quelquefois l’occasion de vous parler la nuit ?

flerida.

Moi, seigneur ?

don juan.

Oui.

flerida.

Hélas ! oui, bien souvent, trop souvent pour mon malheur.

don juan, à part.

Ô mon âme, réjouis-toi ! (Haut.) Permettez-moi, Flerida, une dernière question.

flerida.

Laquelle ?

don juan.

Vous me promettez la même franchise ?

flerida.

La même.

don juan.

Dites-moi : n’étiez-vous pas tous deux ensemble, la nuit, dans un jardin, lorsque…

flerida.

Arrêtez, n’achevez pas !… Oui, nous étions dans un jardin lorsque s’est accomplie cette déplorable tragédie. Nous ne pensions pas, hélas ! que ces mêmes fleurs, témoins discrets de nos amours…

don juan.

Cela suffit, Flerida ; ne vous appesantissez pas sur d’aussi tristes souvenirs… Vous m’avez rendu la vie et l’âme.. Oh ! pardonne, ami fidèle, pardonne-moi une pensée injurieuse ! Me voilà détrompé pour jamais !… Ne parlez pas à Lisarda de cette conversation, et demeurez avec Dieu.

Il s’éloigne.
flerida.

Un moment, de grâce ; où allez-vous de la sorte ?

don juan.

Je n’ai pas besoin d’en savoir davantage ; vous m’avez complètement rassuré. Il est juste que j’aille voir don César, qui m’attend en prison.

flerida.

Arrêtez !