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DE MAL EN PIS.

un autre moi-même. Je sens vivement ses peines, et c’est en sa considération que je vous passe votre langage ; car bien que je ne vous connaisse pas particulièrement, je suis obligé pour lui à ménager de mon mieux votre honneur.

lisarda, à part.

Il n’a pas besoin de s’exprimer plus clairement. Mon infortune n’est que trop certaine.

don césar.

Si j’eusse dit, seigneur, que je prétendais sauver cette dame, malgré vous et vos hommes d’armes, vous auriez le droit de me traiter d’arrogant ; mais je n’ai pas dit cela. — Et maintenant, seigneur, après les assurances que vous m’avez données, je n’essayerai pas de la défendre si elle m’en détourne, quoique je n’aie pas peur de la mort. C’est chose si facile pour un cavalier de mourir !

le gouverneur.

Il vaut mieux que l’affaire s’arrange à l’amiable : avec de la prudence et de la sagesse, nous en viendrons à bout. Faites état qu’avant d’avoir en moi un juge, vous y avez un arbitre officieux qui n’interposera son pouvoir qu’avec discrétion et bouté. J’ai par devers moi toutes les instructions nécessaires.

don césar.

Mais si je suis le coupable et que vous me mettiez en prison, quelle faute a commise cette dame ?

le gouverneur.

Vous avez trop mauvaise opinion de ma sagacité. Je sais qui elle est, vous dis-je. — Seigneur César des Ursins, suivez moi, vous, à la tour. Quant à cette dame, je lui promets qu’elle sera aussi fêtée dans ma maison que si elle était ma propre fille.

lisarda, à part.

Je n’en puis plus douter, il m’a reconnue. Je n’ai plus d’autre ressource que d’invoquer sa pitié.

don césar, bas, à Lisarda.

Qu’ordonnez-vous, madame ?

lisarda, basn à don César.

Je me soumets.

don césar, de même.

Alors, puisqu’il vous plaît ainsi, je n’ai plus rien à dire. (Au Gouverneur. Seigueur, j’accepte le parti que vous nous proposez ; madame restera dans votre maison.

le gouverneur.

C’est convenu. (Appelant.) Holà !

un aguazil.

Seigneur ?

le gouverneur.

Que deux d’entre vous conduisent cette dame à mon carrosse et l’accompagnent jusqu’au palais. Vous direz de ma part à ma fille