— Mais à la suite de ce que nous avons dit de cette dame errante du caprice, la voilà qui vient. Ce serait le cas d’appliquer l’ancien proverbe sur le loup de la fable, qui[1]…
En voyant que le soleil se retirait de l’horizon, un secret pressentiment me disait, madame, que vous approchiez de ces lieux ; et vous voilà, soleil déguisé, qui venez rendre la joie aux fleurs des champs, qui vous adorent comme leur divinité, qui s’épanouissent d’allégresse à votre vue, et qui de tous côtés vous parlent d’amour.
Je veux bien croire par politesse, seigneur Fabio, que les fleurs me diraient de jolies choses si elles vous écoutaient, flatteur que vous êtes ; car vous avez une galanterie si délicate que vous pourriez enseigner même aux fleurs le langage de l’amour.
Au contraire, madame, ce sont elles qui m’ont appris ce langage depuis que vous venez ici ; c’eût été folie à moi d’avoir la prétention de le leur apprendre. Il n’y a pas une fleur autour de vous qui, vous ayant aimée avant moi, — puisque je n’habitais pas cette campagne, — n’ait su avant moi comment elle vous devait parler ; et puisqu’elles vous ont aimée d’abord, je ne suis pas aussi flatteur que vous le dites.
Si fait, vous l’êtes beaucoup.
À quoi le voyez-vous ?
À ce que vous m’aimez sans m’avoir vue.
Est-ce qu’il n’y a pas d’amour véritable là où l’on n’a pas vu l’objet qu’on aime ?
Non, seigneur.
Pardon, madame.
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Il y a ici dans le texte un jeu de mots intraduisible :
« I aqui lugar acomodado tiene
Lo de Lupus in fabula, que quiere
Decir (segun colijo)
Que assi Lope á sus famulos lo dixo. »Littéralement : Et ici peut s’appliquer le proverbe du loup de la fable, qui signifie (à ce que je conjecture), que Lope l’a dit ainsi à ses domestiques. Le jeu de mots porte sur Lupus et Lope ; Lope, nom d’homme, est la traduction espagnole de Lupus. Il porte, en outre, sur la ressemblance que présentent les premières syllabes de fabula et de famulos.