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NOTICE SUR CALDERON.

sons qu’on ne saurait trop admirer ce que les autos renferment de beau, de grand, de majestueux, de sublime ; mais qu’aussi l’on peut s’étonner de ce qu’on y rencontre parfois d’étrange et de bizarre. Au reste, malgré l’extrême difficulté de ce travail, nous essayerons de traduire un ou deux autos, et l’on en jugera ; car si la poésie perd toujours une partie de son charme dans les meilleures traductions, il n’est pas moins vrai que les beautés sérieuses d’un ouvrage poétique se font jour même dans les traductions les plus imparfaites, — comme on reconnaît un beau tableau à travers la gravure la plus grossière et la plus effacée.


Calderon est le dernier venu des grands dramatistes espagnols. Après lui, après ses disciples, la comédie espagnole disparaît, et sans retour. En voyant ce singulier phénomène, en voyant finir ainsi un théâtre qui pendant un siècle avait brillé d’un si vif éclat, il est impossible de n’en point chercher la cause avec intérêt.

Cette cause, des écrivains de talent et d’esprit ont cru la découvrir dans l’Inquisition. — Tout en délestant autant que personne cette institution funeste, — je le déclare, — je ne la crois point coupable de ce nouveau méfait ; et comme il faut bien prendre garde de laisser calomnier l’Inquisition (le mot est de Voltaire), je ferai deux ou trois observations pour sa défense. D’abord, à quelle époque se rapportent les premiers essais du théâtre espagnol ? Aux dernières années du xve siècle. Or, c’est précisément à cette époque que s’établit l’Inquisition (23). De même, quelle a été l’époque la plus florissante de la littérature espagnole, et, en particulier, de la comédie ? C’est la seconde moitié du xvie siècle et la première moitié du xviie. Or c’est aussi à cette époque que l’Inquisition posséda le plus de puissance. Enfin, quels sont les plus grands dramatistes espagnols ? C’est Lope, c’est Calderon, Tirso de Molina, Moreto, Solis. Or, Lope appartenait à l’Inquisition ; Montalban, le disciple chéri de Lope, était secrétaire de l’Inquisition ; et quant à Calderon, à Tirso, à Moreto, à Solis, ils étaient prêtres, ce qui veut dire qu’ils tenaient d’assez près à l’Inquisition. — Donc, évidemment, ce n’est pas l’Inquisition qui a tué la comédie espagnole.

Mais alors, dira-t-on, à quelles causes attribuer la fin si