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JOURNÉE II, SCÈNE II.

don lope.

Sans cette liberté, les fatigues de la guerre ne seraient pas supportables. Le métier de soldat est par lui-même assez pénible, et il faut de temps en temps les laisser s’amuser.

juan.

Avec tout cela cette vie me plairait beaucoup.

don lope.

Vous serviriez volontiers ?

juan.

Oui, seigneur, tout autant que votre excellence voudrait bien m’accorder sa protection.

une voix, du dehors.

Nous serons mieux ici pour chanter.

rebolledo, du dehors.

Allons ! une petite chanson en l’honneur d’Isabelle ; et pour qu’elle s’éveille, jette une pierre à sa fenêtre.

crespo, à part.

La sérénade s’adresse à un objet déterminé. Patience !

une voix, chantant.

La fleur du romarin,
Jeune et charmante Isabelle,
Est aujourd’hui d’un bleu d’azur,
Et demain elle sera changée en miel.

don lope, à part.

Passe pour la musique ; mais jeter des pierres contre la maison où je suis logé, c’est par trop insolent. Cependant dissimulons à cause de Crespo et de sa fille. (Haut.) Ils sont fous !

crespo.

Ce sont des jeunes gens !… (À part.) Si ce n’était pour don Lope, je sortirais, et bientôt…

juan, à part.

Si je pouvais attraper la vieille rondache qui est dans la chambre de don Lope…

crespo.

Où vas-tu, mon garçon ?

juan.

Je vais dire que l’on apporte le souper.

crespo.

Nos valets l’apporteront.

tous, du dehors.

 « Réveillez-vous, réveillez-vous, jeune Isabelle. »

isabelle, à part.

Qu’ai-je donc fait, ô ciel ! pour encourager cette insolence ?

don lope.

Ceci devient par trop fort, et ne peut plus se tolérer !

Il renverse la table d’un coup de pied.