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JOURNÉE II, SCÈNE I.

nuño.

Prenez garde à vous !


Entrent LE CAPITAINE, LE SERGENT et REBOLLEDO.
mendo.

Éloignons-nous pour écouter. Viens avec moi par ici.

Mendo et Nuño vont de l’autre côté du théâtre
le capitaine.

Ce que je sens, ce que j’éprouve, ce n’est pas de la rage, c’est de la fureur.

rebolledo.

Plût à Dieu, seigneur, que vous n’eussiez jamais vu cette jolie villageoise qui vous coûte tant de chagrins !

le capitaine.

Que t’a dit sa suivante ?

rebolledo.

Vous savez ses réponses ordinaires.

mendo, à Nuño

C’est décidé, mon cher. Et puisque voici la nuit qui étend au loin ses voiles sombres, je ne dois pas réfléchir davantage au parti que prendra ma prudence. Viens me donner mes armes.

nuño.

Eh quoi ! seigneur, quelles autres armes avez-vous, que celles qui sont peintes sur un carreau de faïence bleue[1], au-dessus de la porte de votre maison ?

mendo.

Dans ma sellerie, je pense, nous trouverons quelque chose de convenable.

nuño.

Partons sans que le capitaine nous aperçoive.

Mendo et Nuño sortent.
le capitaine.

Est-il possible qu’une petite paysanne ait tant de fierté ! Ne pas daigner me répondre un mot agréable !

le sergent.

Les femmes de ce genre, seigneur, ne s’éprennent guère des hommes tels que vous ; elles écouteraient plus volontiers un rustre qui leur conterait fleurettes. Vos regrets, d’ailleurs, sont bien gratuits. Ne partons-nous pas demain ? et comment voulez-vous, en un seul jour, en venir à bout ?

le capitaine.

En un jour le soleil éclaire le monde et disparaît ; en un jour on

  1. Comme Nuño se raille constamment de son maître, il veut dire, sans doute, que celui-ci, afin d’épargner la main d’œuvre, avait fait peindre ses armes sur un carreau propre à faire des compartimens.