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L’ALCADE DE ZALAMÉA.

crespo.

Non pas ! je ne veux pas d’honneur postiche, et ma maison restera ce qu’elle est. Vilains étaient mes aïeux et mon père, vilains seront mes enfans. — Appelle ta sœur.

juan.

La voici !


Entrent ISABELLE et INÈS
crespo.

Ma fille, le roi, notre seigneur (le ciel le conserve de longues années !) se rend à Lisbonne, où il va se faire couronner comme roi légitime de Portugal, et, à cet effet, les troupes se dirigent sur cette ville avec tout l’appareil militaire. Il n’est pas jusqu’au vieux terce de Flandre qui ne soit à cette occasion revenu en Castille. Il a pour chef un certain don Lope qui, dit-on, est le Mars espagnol. Or, nous allons avoir dès aujourd’hui des soldats dans la maison… il importe qu’ils ne te voient pas ; et ainsi, ma fille, retire-toi là-haut, sans retard, dans l’appartement que j’occupais.

isabelle.

Je venais, mon père, vous en demander la permission. Je n’ignore pas qu’en me tenant ici, je serais exposée à entendre mille propos déplacés. Ma cousine et moi, nous resterons ensemble là-haut sans que personne nous voie, pas même le soleil.

crespo.

Dieu vous garde ! — Pour toi, Juanito[1], tiens-toi ici. Tu recevras hôtes de ton mieux, tandis que je vais par la maison chercher de quoi les régaler.

Crespo sort.
isabelle.

Allons-nous-en, Inès !

inès.

Marchons, ma cousine. Mais c’est, à mon gré, une folie, que de vouloir garder une femme, si elle ne veut pas se garder elle-même.

Elles sortent.


Entre LE CAPITAINE et LE SERGENT.
le sergent.

Monseigneur, voici la maison.

le capitaine.

Va tout de suite chercher mes effets au corps de garde.

le sergent.

Non pas, je vais d’abord savoir des nouvelles de notre petite villageoise.

Il sort.
juan.

Soyez le bienvenu dans cette maison, seigneur ; nous sommes trop

  1. Juanito, diminutif de Juan.