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JOURNÉE I, SCÈNE II.

a-t-il d’étonnant à cela ? Le jour est annoncé par l’aurore, et je vois deux aurores briller à la fois.

isabelle.

Je vous l’ai déjà dit bien souvent, seigneur Mendo, vous dépensez en vain votre galanterie, et vous n’en serez pas plus avancé quand vous viendrez tous les jours soupirer follement dans ma rue et près de ma maison.

mendo.

Si les jolies femmes savaient combien les embellit la colère, le mépris, le dédain et l’injure, elles ne voudraient jamais d’autre ornement. Sur ma vie, vous êtes adorable ; dites, dites-moi tout ce que peut vous inspirer la fureur.

isabelle.

Puisque vous n’êtes pas plus touché de mes paroles, don Mendo, je vous témoignerai mon ennui d’une autre façon. — Viens, Inès, rentrons, et donne-lui de la fenêtre sur le nez.

Elle se retire.
inès.

Seigneur chevalier errant, qui ne cherchez les aventures qu’avec des femmes, parce que vous seriez embarrassé si vous aviez en face d’autres adversaires, — que l’amour vous assiste et vous console !

Elle se retire.
mendo.

Charmante Inès, la beauté est toujours maîtresse d’agir comme il lui plaît. — Nuño ?

nuño.

Quand on est pauvre, on ne doit espérer que des mépris.


Entre PEDRO CRESPO.
crespo.

Eh quoi ! je ne puis jamais ni rentrer ni sortir sans voir ce méchant hobereau se promener gravement de long en large dans ma rue !

nuño.

Voilà Pedro Crespo qui arrive.

mendo.

Allons de l’autre côté ; car ce paysan est des plus matois.


Entre JUAN.
juan.

Quoi donc ! verrai-je toujours ce fantôme rôder près de notre porte, avec ses plumes et ses gants ?

nuño.

Bon ! voilà que son fils vient par ici.

mendo.

Tiens-toi ferme et ne te trouble pas.

crespo.

Ah ! c’est mon fils !