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L’ALCADE DE ZALAMÉA.

mendo.

Eh bien ! sans que je me marie, est-ce qu’il n’y a pas dix couvons à Burgos où l’on peut la conduire lorsque ma fantaisie sera passée ? — Regarde si par hasard tu l’aperçois.

nuño.

Je crains que Pedro Crespo ne vienne à me voir.

mendo.

Qui s’aviserait de te toucher ? N’es-tu pas à mon service ? Allons, fais ce que t’ordonne ton maître.

nuño.

J’obéis, quoique je ne m’asseye pas à table avec lui[1].

mendo.

Ces valets ont toujours quelque proverbe à la bouche !

nuño.

Bonne nouvelle ! La voilà qui s’avance avec sa cousine Inès, derrière la jalousie.

mendo.

Dis plutôt que le soleil couronné de diamans se montre aujourd’hui pour la seconde fois à l’horizon.


ISABELLE et INÈS paraissent à la fenêtre.
inès.

Viens, ma cousine, viens sans crainte à la fenêtre ; tu verras l’entrée des soldats.

isabelle.

Ne me parle pas, je te prie, de me mettre à la fenêtre alors que cet homme est dans la rue ; car tu sais, Inès, combien il me déplaît de le voir là.

inès.

C’est de sa part une singulière manie, que de te faire la cour avec tant d’empressement.

isabelle.

Ce sont là toutes mes bonnes fortunes.

inès.

Tu as tort, selon moi, de t’en affliger.

isabelle.

Que veux-tu que je fasse ?

inès.

Il vaudrait mieux t’en amuser.

isabelle.

Tu veux que je m’amuse de mes ennuis !

mendo.

Jusqu’à ce moment j’aurais juré, foi de gentilhomme, — et ce serment est sacré, — que le jour ne s’était point levé encore. Qu’y

  1. Allusion maligne au proverbe espagnol : « Haz lo que manda tu amo, y sientate con él a la mesa. » Fais ce qu’ordonne ton maître, et tu t’assiéras à table avec lui.