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LA DÉVOTION À LA CROIX.

mais ses mains dans le sang d’un homme qui se rend à lui. Ce serait souiller sa victoire.

une voix, du dehors.

Les voilà de ce côté !

curcio.

Ma troupe victorieuse vient me chercher, pendant que la vôtre fuit en désordre. Je veux vous sauver ; cachez-vous. J’aurais beau vouloir vous protéger, ces gens grossiers ne m’écouteraient pas, et seul vous ne pourriez pas vous défendre contre eux tous.

eusebio.

Moi, seigneur Curcio, bien que je sois sans force contre vous, je n’ai peur de rien au monde ; et si une fois je reprends mon épée, vous verrez alors quel est mon courage contre les autres.


Entrent OCTAVIO et tous les Paysans.
octavio.

Depuis le fond de la vallée jusqu’au sommet de la montagne, tout a été massacré. Le seul Eusebio qui sans doute a fui…

eusebio.

Tu mens, misérable ; Eusebio n’a jamais fui.

tous.

C’est lui ! — C’est Eusebio ! — Qu’il meure !

eusebio.

Approchez, misérables.

curcio.

Attends, arrête, Octavio !

octavio.

Eh quoi ! seigneur, vous qui devriez nous exciter, c’est vous qui nous retenez !…

blas.

Comment soutenez-vous un pareil homme ?

gil.

Un homme qui a tué tout ce qu’il a pu, qui a ravagé tout le pays, et qui n’a laissé sans les toucher ni un melon ni une fille !

octavio.

Eh bien ! seigneur, quelle est votre intention ?

curcio.

Écoutez. Il vaut bien mieux que nous l’emmenions prisonnièr à Sena. — Rendez-vous, Eusebio ; je vous promets, foi de gentilhomme, ma protection ; je vous jure que, malgré le passé, je serai votre défenseur.

eusebio.

Je me serais rendu au seigneur Curcio ; mais je ne me rendrai pas au chef de ces hommes. Tout à l’heure c’était respect ; maintenant ce serait crainte.