JOURNÉE DEUXIÈME.
Scène I.
La balle doit lui avoir traversé la poitrine.
Et sans doute que l’herbe autour de lui est toute rougie de son sang.
Enterrez-le, mettez sur lui une croix, et que Dieu nous le pardonne !
À nous autres voleurs, les dévotions ne manquent jamais.
Et puisque ma triste destinée m’a fait capitaine de brigands, je veux que mes crimes égalent les injustices que j’ai subies. Mes concitoyens me poursuivent avec acharnement, comme si j’avais tué Lisardo en trahison, et cette persécution m’oblige à me défendre en tuant. On m’a enlevé mon bien, on a confisqué mes châteaux, et l’on me refuse le simple nécessaire… eh bien ! tout voyageur qui mettra le pied dans la montagne, y sera tué et dépouillé !
J’étais allé pour voir sa blessure… Si vous saviez, mon capitaine, quelle aventure étrange !
Je suis curieux de la connaître.
En m’approchant, j’ai vu que la balle n’avait point pénétré, et qu’elle s’était amortie sur ce livre qu’il portait sur son sein… Le voyageur n’était qu’évanoui, et vous le voyez devant vous sain et sauf.
Je suis rempli d’étonnement et d’épouvante. Qui êtes-vous donc, vénérable vieillard, que le ciel a si miraculeusement protégé ?