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JOURNÉE I, SCÈNE II.

divertir joyeusement, moi, avec des paroles amoureuses, j’emmenai Rosmira votre mère par un sentier écarté, et je la conduisis dans un endroit isolé dont un épais rideau d’arbres et de buissons défendait l’entrée au soleil. Là donc, quand nous y fûmes arrivés, nous voyant tous deux seuls…

Entre ARMINDE.
arminde.

Seigneur, vous avez besoin dans cette circonstance d’appeler à vous tout votre courage et toute votre sagesse. Un grand malheur est arrivé. Recueillez vos forces.

curcio.

Quel motif as-tu donc pour venir ainsi m’interrompre ?

arminde.

Seigneur…

curcio.

Achève ; ne me laisse pas dans l’incertitude.

julia.

Parle donc. Qui t’arrête ?

arminde.

Je ne voudrais pas être la voix qui doit annoncer un tel désastre.

curcio.

Ne crains pas de le dire, puisque je ne crains pas de l’entendre.

arminde.

Lisardo, mon seigneur…

eusebio, à part.

Il ne me manquait plus que cela !

arminde, continuant.

…Vient d’être apporté ici sur un brancard par quatre bergers… couvert de blessures qui lui ont ôté la vie… Mais le voici. Éloignez vous de ce triste spectacle.

curcio.

Ô ciel ! tant de peines pour un infortuné !… Hélas !

Entrent les Paysans qui portent Lisardo sur un brancard, le visage tout ensanglanté.
julia.

Quelle puissance inhumaine a exercé sur lui sa rage ? Quelle main impitoyable s’est baignée dans son sang ? Qui a pu détruire ainsi tant de vertus ? Hélas !

arminde.

Considérez, madame…

blas.

N’approchez pas.

toribio.

Éloignez-vous.