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JOURNÉE I, SCÈNE I.

eusebio.

Ce seul mot vous a sauvé. Levez-vous. En entendant cette invocation, je perds toute colère et mon bras est sans force. Levez-vous.

lisardo.

Je ne puis, car ma vie s’échappe avec mon sang ; et si mon âme n’est pas encore partie, c’est que sans doute, parmi tant d’issues, elle ne sait par laquelle sortir.

eusebio.

Eh bien ! reprenez courage, et confiez-vous à moi. Ici près se trouve un petit ermitage de moines pénitens ; et si vous y arrivez encore en vie, vous pourrez là vous confesser.

lisardo.

Eh bien ! en récompense de votre pitié, je vous donne ma parole que si le mérite de me voir en la divine présence de Dieu, je lui demanderai que vous ne mouriez pas, vous non plus, sans confession.

Eusebio sort en portant Lisardo dans ses bras.


GIL sort de l’endroit où il était caché, et de l’autre côté entrent BLAS, TIRSO, MENGA et TORIBIO.
gil, à part.

A-t-on jamais vu !… La charité est bonne !… mais pour ma part je l’en remercie !… Le tuer, et puis l’emporter sur ses épaules !

toribio, à Menga.

Ne disais-tu pas que tu l’avais laissé ici ?

menga.

Oui, je l’ai laissé ici avec la bête.

tirso.

Vois-le là-devant tout étonné.

menga.

Que regardais-tu là, Gil ?

gil.

Ah ! Menga !

menga.

Que t’est-il arrivé ?

gil.

Ah ! Tirso ?

toribio.

Qu’as-tu donc vu ? Réponds-nous.

gil.

Ah ! Toribio !

blas.

Dis-nous donc ce que tu as, Gil, et d’où viennent tes lamentations ?

gil.

Ah ! Blas ! ah ! mes amis !… j’en suis encore tout hébété… Figurez-vous qu’il l’a tué et l’a chargé sur ses épaules. Il l’emporte sans doute pour le saler.