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JOURNÉE II, SCÈNE III.

ville. J’ai voulu voir les choses par moi-même, afin de mieux savoir ce qu’il convient de faire pour mettre l’ordre ici.

don diègue.

Je ne puis que vous approuver, car un roi doit être un argus veillant toujours sur son royaume. Les deux yeux que l’on a peints sur votre sceptre sont l’emblème de votre vigilance. Mais qu’a vu votre majesté ?

le roi.

J’ai vu des galans cachés, des dames voilées, des musiciens, des bals, des fêtes, — et bien d’autres choses curieuses. J’ai vu aussi un nombre infini de bravaches. Mais il n’y a rien qui m’ennuie comme de voir de ces bravaches qui, dit-on, forment ici une espèce de corporation. Pour que ces dignes seigneurs ne me reprochent pas un jour de leur avoir refusé ma protection, j’ai eu la fantaisie de les examiner, et j’ai mis seul à l’épreuve, dans une rue, une troupe de bravaches[1].

don diègue.

Votre majesté s’est bien exposée.

le roi.

Nullement, don Diègue ; au contraire, ce n’a été qu’un jeu.

don diègue.

Cependant ces bravaches sont, dit-on, redoutables.

le roi.

N’en croyez rien. Dès qu’ils m’ont vu marcher sur eux avec une épée, ils ont pris la fuite ; plus d’un en fuyant a laissé tomber à terre son diplôme.

don diègue.

Quel diplôme ?

le roi.

Son diplôme de bravache.

Entre COQUIN.
coquin.

Je n’ai pas voulu accompagner mon maître à la Tour. J’ai préféré rester dehors afin de savoir fidèlement ce que l’on dit de sa prison. — Mais j’aperçois le roi, ce me semble.

le roi.

C’est vous, Coquin ?

coquin.

Oui, sire.

le roi.

Comment va ?

coquin.

Je vous ferai la réponse des étudians.

  1. Voyez, sur les bravaches de Séville, la nouvelle de Cervantes citée plus haut.