Il y a moins de péril pour moi à partir qu’à rester.
Je baise les pieds de votre altesse. — J’ai appris avec douleur le fâcheux accident qui vous était arrivé, et je me suis empressé d’accourir ; je suis heureux de voir que la renommée cette fois encore s’est trompée. Daignez, monseigneur, honorer quelques instans ce logis de votre présence. Il est bien peu digne de vous, sans doute ; mais la plus pauvre demeure devient un brillant palais dès qu’elle est habitée par un roi.
Je vous remercie des sentimens que vous m’exprimez, Gutierre Alfonso de Solis ; je m’efforcerai de ne pas les oublier.
Vous me comblez, seigneur.
Cependant, quelque charme qu’ait pour moi votre hospitalité, je ne puis m’arrêter ici davantage… Les plus graves motifs m’en empêchent… Il y a une chose qui m’inquiète… et jusqu’à ce que je sois éclairci… ou désabusé, chaque instant me durera des siècles. Il vaut mieux que je m’éloigne.
Quoi ! seigneur, votre altesse aurait d’assez puissans motifs pour aventurer ainsi une santé à laquelle se rattachent tant d’espérances !
Il convient que j’arrive aujourd’hui à Séville.
Je crains de paraître indiscret en insistant auprès de votre altesse ; mais ma loyauté, mon dévouement…
Et si je vous confiais le motif de mon départ, que diriez-vous ?
Je ne le demande pas à votre altesse. Loin de là, seigneur, il me semble que ce serait mal à moi d’essayer de pénétrer dans votre cœur.
Non, Gutierre, je puis l’ouvrir devant vous. Écoutez donc : J’ai eu autrefois un ami que je regardais comme un autre moi-même…
Son sort était digne d’envie.
Eh bien ! cet ami, que je chargeai de mes intérêts auprès d’une dame que j’aimais passionnément, me trahit pendant une absence que je fis. Qu’en pensez-vous ?