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timents qu’elle lui inspire, plus il se conformera aux vues qu’elle avait en le créant ; moins il sera malheureux.

Sans se grossir la tête d’une foule de systêmes ridicules, sans livrer son cœur à mille chimères qui le tourmenteraient sans cesse, il se renferme dans les justes bornes que la nature et son bon sens lui prescrivent. On ne l’a jamais vu entêté d’un mérite imaginaire, défier un rossignol à chanter ; ni disputer avec un paon, en beauté ; il se connaît, et rend justice aux autres.

Sans s’exhaler en regrets superflus sur le passé, ni s’effrayer sur l’avenir par cent mille réflexions chagrinantes, l’âne ne s’occupe que du soin de faire un bon emploi du présent : il naît robuste et enveloppé dans une peau fourrée. D’où est-il venu ? Où doit-il retourner ? C’est ce qui ne l’embarrasse guère : certain qu’il n’a rien à se reprocher, il vit sans inquiétude, il meurt de même.

Hélas ! faut-il qu’un animal si sage, si raisonnable, n’ait que quelques jours à vivre ! À peine trente ans sont