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sensibilité et son hérédité lui commanderont le mouvement contraire ?

Nous avons cherché la réponse à cette question dans l’œuvre même de M. Halévy. Après avoir lu, dans les Débats, l’étude sur Proudhon où nous voyions une « apologie pour le passé français. » Nous avons ouvert cette « apologie pour notre passé » que M. Halévy a publiée naguère aux Cahiers de la Quinzaine, et nous y avons lu, page 115, in fine :

« La victime (Dreyfus) est reprise, les iniques châtiés. C’est terminé, tant mieux… Ne chantons pas d’avoir été vainqueurs, car la mêlée était confuse. Mais si nous consentons à ne plus triompher, que personne du moins ne triomphe sur nous ; qu’on cesse d’appeler traître un innocent dont la vie est brisée, malfaiteur ceux qui le délivrèrent ; s’il nous plait de réfléchir en mesurant nos torts, qu’on ne nous provoque plus à nous défendre en mesurant nos droits ! et surtout, souhaitons-le très fort, qu’on ne nous replace jamais dans une situation analogue à celle où nous nous trouvâmes en décembre 1897. Car il le faudrait bien : plus soucieux, non moins résolus, nous recommencerions nos campagnes. »

Nous voici précisément placés « dans une situation analogue à celle où nous trouvâmes en décembre 1897 » ; la crise qui s’est ouverte est liée directement à l’affaire Dreyfus. Les anciens amis de M. Daniel Halévy ont pris position. Ils sont contre la France, et ils crient « Vive l’Allemagne ». Mais un fort parti d’anciens dreyfusards (on en rencontre beaucoup au Cercle Proudhon) sont maintenant à l’Action française et travaillent à redresser le royaume de saint Louis et d’Henri IV.

Que va faire M. Daniel Halévy ? Rappelé dans la vie publique, que va-t-il choisir ? Israel ou la France ?

Voilà la vraie question. En attendant qu’elle soit résolue, je reprends dans l’étude même de M. Halévy un mot admirable de Proudhon que j'y trouve cité. Je dis à nos compatriotes, égarés dans l’Internationale, qui sont en route pour le pays français et qui rencontrent M. Daniel Halévy : « Alerte ! Et ne vous laissez pas aborder ! »


Georges Valois