Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moment où nous sommes, dans une lutte civile extrêmement grave, c’est un devoir pour nous que de chercher à reconnaître très nettement la position des écrivains dont la parole peut retentir sur ta place publique et y déterminer des mouvements.

Il y a pour nous un cas Halévy. Examinons-le. Ce sera notre réponse à t’étude des Débats, et nous avons trop d’estime pour M. Hatévy pour lui faire l’injure de penser qu’il puisse s’étonner un seul instant de notre réponse.

M. Daniel Halévy, qui été dreyfusard ardent et militant, est un homme extrêmement bien informé de tous les mouvements politiques et sociaux. Il suit avec un intérêt extraordinairement vif le mouvement auquel nous participons. Disons plus il s’intéresse à tout ce qui nous intéresse. Cette alliance, que nous avons réalisée au Cercle Proudhon, entre catholiques, nationalistes et syndicalistes, il l’avait annoncée dans son Histoire de quatre ans, et écrivait-il à l’un de nos amis, « on ne prévoit que ce que l’on souhaite ». Il admire Maurras ; il tient l’Action Française pour un mouvement vigoureux et de haute valeur. Ce n’est pas une feinte. Il le pense et il veut le dire. Il a rompu avec M. Paul Desjardins, avec qui il publiait la Correspondance de l’Union pour la Vérité, parce que ce véritaire prétendait lui interdire « d’entrer en propos » avec « certains organes, certains hommes » qui doivent être hissés à l’intérieur de « cordons sanitaires » qui limitent les « zones de silence » où M. Desjardins voudrait contenir la pensée nationaliste. M. Halévy rompu avec M. Desjardins et il a publié ses raisons[1]. Elles témoignent de sa haute loyauté intellectuelle à notre égard, et de la passion avec laquelle il suit nos travaux.

M. Daniel Halévy fait plus : il suit avec le même soin que nous les transformations intellectuelles des Français qui cherchent à passer par-dessus les « cordons sanitaires » de la démocratie ; il leur tend la main au moment même où ils se préparent à franchir ces cordons. Est-ce pour les retenir, ou les aider ? Voici qu’il apparaît, par l’article des Débats, que c’est pour leur prêter son appui, et les accompagner. Mais s’il les accompagne, que fera-t-il lorsqu’il se trouvera avec eux, loin des siens, près de nous, dans les heures où il ne s’agira plus de résoudre des problèmes intellectuels, mais des questions pratiques, et de prendre parti dans une lutte civile, où son intelligence lui commandera de se rallier à nos directions, mais où sa 1.

  1. Cf. Daniel Halévy et l’Union pour la Vérité, Vie ouvrière, 20 décembre 1912.