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les idées solidaristes de proudhon

théorie de la propriété. J’ai le droit de dire, à leur seule énumération, que si les écrivains universitaires ne les placent pas au premier rang, c’est, chez eux, non seulement faiblesse d’esprit, mais parti-pris de ne pas voir. Puisque l’auteur de la « Justice » intéresse ces messieurs, à quand la mention très honorable pour une thèse qu’inspirerait la Faculté de Droit ou la Sorbonne sur « l’Antiféminisme de Proudhon » ?

Le livre de M. Boulen est écrit de façon invraisemblablement grotesque. M. Boulen a des associations intéressantes : « comme le veulent Proudhon et M. Méline… » dit-il. M. Léon Bourgeois et Proudhon sont représentés offrant au propriétaire « un breuvage amer… le premier a enduit de miel les bords de la coupe. Le propriétaire qui boit à cette coupe sent le breuvage devenir de plus en plus amer. Le second a laissé surnager à la surface la partie du liquide la plus détestable. Le propriétaire qui boit à cette seconde coupe, violemment choqué par la première impression, est tout étonné de sentir le breuvage s’adoucir peu à peu. » « Si le trèfle n’occupe pas la terre entière, c’est que d’autres plantes lui ont barré le chemin, c’est que les herbivores s’en sont nourris. Si l’espèce caprine ne s’est pas multipliée à l’infini, c’est que l’homme et les carnivores l’ont consommée. Ainsi, l’ordre peut régner dans la nature, mais il n’est pas le résultat de l’amour… Il y a dépendance entre la production du blé et le nombre des éperviers. Les grains de blé sont dévorés par les vers, le nombre des vers dépend de celui de leurs ennemis, les oiseaux utiles à l’agriculture ; et le nombre de ces derniers dépend aussi de celui de leurs ennemis, les éperviers… L’homme préfère le rossignol qui détruit les insectes à l’épervier qui dévore le rossignol. » « De même que le papillon qui vient d’éclore ne veut plus se recoucher dans sa soie, fuir les fleurs et le soleil, de même l’homme sorti de la communauté ne doit plus vouloir se recoucher dans cette enveloppe… » « Proudhon était… un génie qui pétillait d’idées et qui lançait des étincelles en tous sens. Parmi les étincelles lancées, il y a eu des étincelles de solidarisme. C’est de ces étincelles rassemblées, animées d’un souffle nouveau, que M. Bourgeois fait un soleil qui se lève maintenant et qui doit éclairer toute la morale laïque des siècles prochains. »

Je ne sais pas si M. Boulen est sérieux ; mais nous croyons, nous autres, que ce soleil n’est qu’une vieille chandelle.

Maurice Mayrel.