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la famille chez proudhon et dans la démocratie

base, l’institution durable qui donne son existence à la patrie.

On dit, on écrit que le patriotisme renaît en France. Il y a dans les milieux urbains des mouvements d’opinion favorables au patriotisme. Ni plus, ni moins. Un rien suffit à les détruire : les foules passent avec une extrême facilité du chauvinisme à l’hervéisme et réciproquement.

Il ne faut pas oublier que la patrie, comme la famille, est aussi matérielle que spirituelle. C’est d’abord et surtout un sol, un certain sol, acquis en commun et transmis comme un héritage familial. Qui donc, dès lors, s’intéressera à la patrie si ce n’est la famille s’adonnant à la culture de ce sol, intéressée à sa sauvegarde et léguant la part qu’elle en possède ?

On commence à sentir que les familles nous manquent. Sur notre frontière, l’ennemi augmente ses armements, ajoute de nouveaux corps de troupe à sa formidable armée. Il s’apprête à nous manœuvrer, à peser sur nos décisions et, s’il le faut, à nous écraser encore. Et nos démocrates, secrètement affolés par le danger qui monte, font semblant de ne pas voir que la France ayant perdu ses familles n’est plus bâtie en hommes. Ils s’agitent, ils se mettent martel en tête pour découvrir la cause de notre infériorité. Le spectacle serait risible si nous n’étions si directement et si sérieusement menacés.

Il faut conclure. Avec une aisance qui ne laisse pas d’être suspecte, les démocrates disent d’un ton léger, détaché : « Le nombre ne doit pas seul entrer en ligne de compte. La quantité nous manque, mais nous aurons la qualité. » De tels arguments font rêver : la qualité s’obtient par le choix, par la sélection, elle sort de la quantité. Proudhon le disait déjà aux féministes. Plus nous irons