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la famille chez proudhon et dans la démocratie

trième république. Il n’a pas connu notre presse « avancée. »

Au surplus, Proudhon, exclusivement occupé à porter à l’Église les coups les plus rudes, ne se rend pas compte que ses attaques atteignent également la démocratie. Souvenez-vous, en effet, que Proudhon parlant de l’homme en face de la mort reproche au catholique mourant de n’avoir plus un regard pour les biens de ce monde, de n’avoir « pas un mot ni pour ses amis ni pour sa famille » alors que lui, Proudhon, veut « regarder la mort en face, la saluer d’amour, remettre son âme entre les mains de ses enfants et s’échapper dans la famille. »

Mais si le catholique, selon Proudhon, songe trop à l’Enfer et, conséquemment, au Paradis, l’État démocratique n’est-il pas l’équivalent laïque de ce Paradis ? Dans sa Question Juive, Karl Marx s’en est fort bien rendu compte :

« Quand, dit-il, l’État politique a atteint son véritable développement, l’homme mène une double existence, une existence céleste et une existence terrestre, non seulement en pensée, en conscience, mais en réalité, dans sa vie même : il a son existence dans la communauté politique où lui-même a une valeur générique, et son existence dans la société bourgeoise, où il agit comme particulier, considère les autres hommes comme des moyens, lui-même s’abaisse à être un moyen et devient le jouet de puissances étrangères. L’État politique se conduit avec autant de spiritualisme vis-a-vis de la société bourgeoise que le ciel vis-à-vis de ta terre. Il est en semblable opposition avec cette société, il la dépasse comme la religion dépasse les limites du monde profane ; il est obligé de même de reconnaître cette société, de la rétablir, et de se laisser dominer par elle. »