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lettre de rené de marans

Je dois, pour ma part, m’en réjouir infiniment puisque, après Jacques Bainville qui, dès juillet 1902, signait les « antidémocrates d’extrême-gauche », je suis le premier à m’être intéressé à ce qu’on appelait alors la « nouvelle école », et le premier de tous, de notre côté, à m’être occupé publiquement de Georges Sorel et à avoir essayé, dans la faible mesure de mes forces, de le faire lire.

Connaître Sorel était alors une originalité. On se reconnaissait à cela et c’était presque un mot de passe. Je ne sais, mon cher ami, si je vous ai déjà dit que lorsque j’ouvris pour la première fois l’Homme qui vient, je tombai sur ce passage de votre préface où vous indiquez en note ce que vous deviez à Sorel, et je me dis immédiatement que ce livre ne devait pas être quelconque. Une fois de plus, notre maître commun ne m’avait pas induit en erreur.

Je voudrais pouvoir dire, pour m’associer à cet hommage, ce que je dois personnellement à Georges Sorel, mais il faudra m’excuser, car ce sera un peu long et je crains aussi, après plusieurs années, d’éprouver de la difficulté à l’exprimer de façon précise.

Les idées auxquelles j’étais attaché lorsque je connus l’œuvre de Sorel, je les devais en majeure partie à la petite école que l’on désignait alors simplement, du nom de la vieille revue autour de laquelle elle s’était groupée, l’école de l’Association Catholique. Cette vénérable et chère revue achevait de mourir, ce qui était juste puisqu’elle avait fait son temps, après avoir dispersé en avancement d’hoirie et pas toujours à bon escient une partie de son héritage et avoir laissé le reste dans l’obscurité. Il y a encore beaucoup à y recueillir. On s’y était inspiré surtout de la tradition française et on y avait apporté aussi l’écho des travaux entrepris et