Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 3-4, 1912.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.
114
SOREL ET L’ARCHITECTURE SOCIALE

due. Mais l’œuvre de Sorel contient cent fois plus de richesses que je ne vous en rappelle, et qui devaient lui assurer le prestige qu’elle a acquis.

René de Marans vous en dira plusieurs, qui sont capitales. Je veux terminer en vous rappelant un des aspects de l’œuvre sorélienne auquel nous attachons le plus grand prix, parce qu’il détermine une de nos attitudes, parce qu’il nous sert à établir une de nos positions les plus importantes. Je crois qu’une des grandes pensées de Sorel, en matière d’organisation sociale, est que les constructions sociales doivent naître et croître d’elles-mêmes et que rien n’est plus dangereux et plus fou que d’en déterminer la structure à l’avance, ou que de les faire naître artificiellement, selon les fantaisies de l’esprit. Rien n’est plus traditionnel que cette pensée ; rien ne s’accorde mieux avec la constitution de l’ancienne France. Et c’est ainsi que ceux d’entre nous qui appartiennent à l’Action française conçoivent l’organisation française sous la monarchie. Rappelez-vous là-dessus un des principes qu’énonçait Maurras : « Les libertés ne s’octroient pas ; elles se prennent. » Un même principe m’a guidé lorsque j’ai fait mon enquête sur la monarchie et la classe ouvrière. Sorel a donné une vertu extraordinaire à ce principe et, par la critique qu’il a faite des utopistes, des constructeurs imaginaires, il a vraiment démoli tous ces architectes sociaux, à quelque groupe qu’ils appartinssent, qui nous ont, depuis cinquante ans et plus, préparé tant de plans de reconstruction sociale cependant que l’on ruinait les fondations de l’antique, de la belle et solide maison où la faveur divine leur ménageait encore un pensoir. Nous sommes allés à l’enterrement de tout ce monde-là, à la suite de Sorel. Et c’était gai, car ce n’était pas seulement les architectes