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nière, un livre guerrier ; ils savent que si Proudhon concluait ainsi, c’est qu’il croyait, non à la disparition, mais à la transformation de la guerre.

De nouveaux travaux eussent sans doute corrigé et complété ces conclusions. Sur ce point, comme sur tant d’autres, on peut imaginer que Proudhon eût connu l’aventure qui, de ses premiers mémoires sur la propriété, l’amenait à cette forte Théorie de la propriété, où l’on trouve tant de pages que plusieurs d’entre nous signeraient, s’ils n’en trouvaient les termes un peu rudes. — Du cri : « La propriété, c’est le vol ! », de cette première négation, qui, selon lui, était la première démarche du critique, de l’explorateur social, à quoi Proudhon aboutit-il ? à ceci :

La propriété, si on la saisit l’origine, est un principe vicieux et antisocial, mais destiné à devenir, par sa généralisation même et par le concours d’autres institutions, le pivot et le grand ressort de tout le système social[1].

Le principe de propriété est ultra-légal, extra-juridique, absolutiste, égoïste de sa nature jusqu’à t’iniquité : il faut qu’il soit ainsi.

Il a pour contre-poids la raison d’État, absolutiste, ultra-légale, illibérale et gouvernementale, jusqu’à l’oppression : il faut qu’il soit ainsi.

Voilà comment, dans les prévisions de la raison universelle, le principe d’égoïsme, usurpateur par nature et improbe, devient un instrument de justice et d’ordre, à ce point que propriété et droit sont idées inséparables et presque synonymes. La propriété est l’égoïsme idéalisé, consacré, investi d’une fonction politique et juridique.

Il faut qu’il en soit ainsi parce que jamais le droit n’est mieux observé qu’autant qu’il trouve un défenseur dans l’égoïsme et dans la coalition des égoïsmes[2].

  1. Théorie de la propriété, p. 306.
  2. Ibid., p. 228.