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faire dans l’humanité la recette qu’elles avaient à faire ou qu’elles voulaient faire. Toute idée faisait sa moisson. Toute idée alors avait son grenier et sa grange.

Fatras, c’est en définitive le mot même de la liberté, c’est aussi le mot de la vie, surtout quand on veut lui faire injure, ce qui n’était aucunement mon intention. Notre bon maître M. Andler ne l’ignorait pas quand recevant en hommage d’auteur et des mains de l’auteur un cahier qui venait de paraître et qui en effet ressortissait au gouvernement germanique, il disait aimablement à l’auteur, avec sa bonne humeur habituelle, et sans aucune nervosité : J’espère que votre cahier sera remarqué, dans le fatras des cahiers. Il disait évidemment ce mot de fatras pour me faire un très grand plaisir. Il y a réussi au delà de toute son espérance. Un tel mot est la consécration la plus précieuse de tout ce que nous avons de libre et de vivant. Notre maître savait que fatras est le petit nom de la liberté. Je dirais bien le nom de baptême ; mais il ne faut compromettre personne ; et surtout il ne faut pas compromettre la liberté ; la liberté n’a pas besoin qu’on la compromette ; elle-même elle a pris la liberté de se compromettre assez. Notre maître savait que fatras est le nom même de la liberté, quand on ne l’a pas soi-même, et qu’un fatras vivant vaut mieux qu’un ordre mort.

Avec un fatras, avec un désordre vivant, il y a toujours de la ressource, et de l’espoir. Il n’y a plus aucun espoir avec un ordre mort.

Dans tous les anciens mondes, sous tous les anciens régimes il y avait de la vie partout ; les humanités suintaient la vie. Alors toute vie pouvait toujours s’arranger, et faire sa naissance, toute petite, et son ali-