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die du cœur qui se retrouve, et qui répond à toute la nature : me voici ! me voici ! Il chante la vie, il en est l’éternelle modulation jusque dans la mort : parce qu’il l’a, parce qu’il la porte, parce qu’il la donne. Et que donnerait-on, réellement, qu’on ne prît de soi et sur soi ? Quel don ferai-je, si je ne me dépouille ? Voilà l’orgueil de l’amour, et son humilité sublime.

En vérité, l’orgueil qui se vante et qui s’estime, l’orgueil de l’esprit qui se compare est une espèce d’humilité un peu basse, à mon sens. Qui se compare, s’abaisse. Ainsi l’orgueil de l’esprit.

Mais l’amour qui s’humilie dans les dons innombrables qu’il sait faire, dans toutes les merveilles qu’il suffit à créer, en s’oubliant soi-même, en s’y mettant jusques à s’effacer, ce prodige d’humilité est une grandeur céleste. Et tout l’orgueil des esprits n’égalera jamais, à un infini près, cette humilité divine.

Celui qui se donne sans mesure, celui-là possède.

Celui-là qui est tout humble au cœur de toute vie, celui-là crée son objet ; et il ne se soucie pas de connaître sa gloire. La superbe est sèche. L’orgueil de l’esprit ne discerne que soi : comme un mort qui se tâte dans le sépulcre.

L’amour adore dans les larmes. Tel est le son de Dostoïevski. Voilà cette voix rauque et si douce, l’énergie de cette âme infatigable, et ses brûlantes langueurs, ses abandons si tendres. Infatigable à souffrir et à vouloir laver l’or des souffrances, pour en séparer le trésor de la joie : à la constance de cet orpailleur, à celle-ci, quelle énergie s’égale ?

Ô saintes, bonnes larmes, routes de l’effusion, sentes profondes de la tendresse, c’est vous, très douces lar-