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ÈVE



Vous rangez la victoire autant que la défaite,
Et tout vous est égal dans un même labeur.
Vous rangez l’énergie autant que la stupeur,
Et tout vous est égal dans une paix mal faite.

Vous ne connaissez rien qu’une fortune hostile
Guettant à votre porte et levant le rideau.
Vous ne connaissez rien qu’une main versatile
Et cet écrasement d’un immense fardeau.

Et votre front cerné d’un stupide bandeau.
Et l’immobilité de la nuit et des ombres.
Et les vagues croulant en énormes décombres.
Et vos enfants partis sur un frêle radeau.

Et tout vous est égal et tout vous est étroit.
Vous redoutez autant les bons que les pervers.
Tout bonheur qui vous vient vous arrive à l’envers.
Mais tout mal qui vous vient vous arrive à l’endroit.

Les eaux ne coulent pas, les bois ne sont pas verts,
Les cieux ne sont pas purs pour votre anxiété.
Vous ne connaissez rien dans l’immense univers
Qui ne soit l’instrument d’une infélicité.

Ève. — 4.
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