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ÈVE



Vous qui savez ranger, vigilante bergère,
Et compter les brebis et les jeunes agneaux ;
Vous qui savez ranger, savante boulangère,
Le pain de chaque jour et les jeunes gâteaux ;

Vous qui savez ranger les graines fourragères,
Et compter le sainfoin et le trèfle incarnat ;
Vous qui savez ranger les herbes potagères,
Et les rubans ponceau sur la robe grenat ;

Vous qui savez ranger, vainement horlogère,
Les heures de la nuit et les heures du jour ;
Vous qui savez inscrire en un même pourtour
Le robuste poirier et la pâle fougère ;

Vous qui savez ranger sur la frêle étagère
Les fleurs du souvenir et les fleurs du regret ;
Vous qui savez ranger dans le creux d’un coffret
La cendre et le débris d’une peine étrangère.

Vous qui savez ranger dans le creux d’un secret
Une amour éternelle encor que viagère ;
Vous qui savez plier sous le pli d’un décret
Une haine immortelle encor que passagère.

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