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Son goût n’est pas simple ; mais il est exquis. Jamais son tact ne le trompe. Il touche de l’ongle ce qu’il faut à peine effleurer ; et il a une hache pour ce qu’il faut frapper avec la hache. Cependant, sa hache est aussi d’une forme élégante. Elle est d’acier fin autant que tranchant. Elle est montée avec grâce. Naudin est toujours moins brutal que cruel. Ses coquins, ses gueux, ses pires loqueteux, fils du ruisseau et fiancés de la Veuve, ont encore une espèce de charme. La plume de Naudin débrouille un grand mystère : Jusque dans l’infamie et l’extrême misère des individus, c’est la race qui reste élégante.


Enfin, Naudin a trouvé son sujet, que Rembrandt n’eût jamais choisi. Il a dessiné, sur le texte de Villon, une centaine de planches, pleines de sens et d’esprit, presque toutes dans la forme la plus libre, et quelques-unes admirables.[1]

  1. Ce livre sera l’un des beaux qu’on ait publiés depuis deux cents ans. Je ne ferai qu’un reproche aux caractères, dessinés par Bernard Naudin lui-même. Ils sont d’ailleurs magnifiques et rappellent l’admirable romain de Nicolas Janson. Mais la boucle de l’E final dérange l’harmonie des lignes, sans que cette fioriture ajoute rien à la beauté du texte.