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Mon loyal ami, M. de Pressensé, m’approuvait si bien qu’il me fournissait quelquefois des munitions. Par exemple, à propos des manœuvres qu’exécuta le citoyen Jaurès pour tirer d’un multi-millionnaire des subsides considérables, c’est M. de Pressensé qui me raconta la démarche du célèbre tribun. Je n’y avais pas assisté. M. de Pressensé en fut témoin. Quand le citoyen Jaurès couvrit de fange l’homme qu’il avait sollicité, pour le punir de son refus, M. de Pressensé me fit comprendre l’immoralité de cette conduite et me dit : « N’en ferez-vous pas justice ? »

Antérieurement, déjà, M. de Pressensé m’avait adressé une invitation analogue. M. le colonel de Saxcé avait réuni sur le terrain de manœuvres tout un régiment d’artillerie pour appliquer à M. du Hault de Pressensé les épithètes les plus désobligeantes. Ce fut le Temps qui nous apporta les détails de l’affaire. J’entrai aussitôt dans le cabinet de M. Clemenceau et je lui demandai, très anxieux : « Eh bien, qu’est-ce que fait Pressensé ? » M. Clemenceau me répondit, de son ton railleur : « Allez-y voir. » Je passai dans l’autre bureau et M. de Pressensé, qui lisait aussi le Temps, me dit : « J’espère que vous allez fustiger ce monsieur-là ? » Je me retirai simplement.

Je n’avais pas « marché » dans l’affaire de Saxcé, parce qu’elle était toute personnelle.

J’ai « marché » dans l’affaire Jaurès parce qu’elle est d’intérêt général.

Sur un seul point, M. de Pressensé blâmait mon argumentation. J’ai noté que le frère de M. Jaurès, qui traîne un sabre dans la marine, a reçu trois avancements successifs dans l’année même où le célèbre tribun cessa