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sacré, et ils veulent représenter ce sacré, et ils veulent nous gouverner au nom de ce sacré. Comme si tous les laboratoires de pensée n’étaient pas en dehors d’eux et comme si eux ils n’étaient pas contre tous les laboratoires de pensée. Comme si tout ce qui se pense dans ce pays, ne se pensait pas en dehors d’eux. Et contre eux. Comme si tout ce qui s’élabore de pensée en France ne s’élaborait pas en dehors d’eux (et contre eux) et sous leur surveillance et sous leur malveillance inquiète, et aigre, et sournoise. Loin d’être les auteurs, et les fabricateurs de la pensée, ils n’en sont même pas ce qu’ils pourraient en être, les dépositaires, les conservateurs, les archivistes, les chambres d’enregistrement. Ils n’en sont que les fossoyeurs, et même des fossoyeurs qui ne sont même pas gais, contrairement aux usages de cette noble corporation. Alors ce n’est même pas la peine d’être des fossoyeurs. Et ils se donnent des airs de succomber sous le faix, et d’être les prêtres et les mages de la pensée, et d’être écrasés sous le poids de leur front, et de plier sous la charge, sous cette effrayante responsabilité d’être les représentants et les chargés de pouvoir et les fondés de pouvoir de la pensée. Comme si dans ce grand Paris, dans ce laboratoire de pensée unique au monde c’étaient eux qui faisaient la pensée. Tout se fait en dehors d’eux, et ils sont contre tout ce qui se fait et ils surveillent jalousement et ils gourmandent tout ce qui se fait.

§. — Dans ce grand Paris qui est la plus merveilleuse ruche, dans ce grand Paris où tout le monde travaille,

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