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VIES PARALLÈLES DE M. LANSON ET DE M. ANDLER


pour un tel sujet de ce beau nom d’âme), pour ne pas sentir, dans ces moments solennels, le temps irréversible, pour ne pas au moins enregistrer la date qui se marque. M. Lanson fit sa dernière classe. Il adressa à ses élèves une espèce d’allocution, d’un tel ton, leur disant qu’ils pensaient bien qu’il était bien content de les quitter pour aller à l’École Normale, que ces gamins en furent tellement blessés qu’aujourd’hui encore, à bientôt vingt ans de distance, ils ne peuvent m’en parler sans se mettre en colère tout d’un coup du sentiment qu’ils eurent de se trouver en face d’un homme mal élevé.

La deuxième carrière de M. Lanson, sa carrière dans l’enseignement supérieur est trop célèbre pour que j’y insiste. Elle est même plus que célèbre, elle est connue. Et il est juste qu’elle soit connue, car elle est typique. Mais alors, si elle est un type, il faudrait, pour la présenter dans toute sa valeur, en faire, et tout au long, un exemple éminent dans un dialogue. J’étais justement à l’École Normale quand M. Lanson y vint enseigner. Je me rappelle encore comme si j’y étais ces longues et ponctuelles et sérieuses leçons sur l’histoire du théâtre français, qui nous plongèrent dans une stupeur d’admiration. Je le dis sans ironie aucune. Je n’ai pas envie de rire ; et on peut m’en croire. Ça, c’était du travail. Il avait lu, il connaissait tout ce qui s’était publié ou joué ou l’un ou l’autre ou l’un et l’autre de théâtre en France ou en français jusqu’à Corneille. Et des leçons d’une composition et d’une succession admirables. Un tissu d’un serré. Tout se tenait. Il savait tout. Et on savait tout. Si celui-ci avait fait une Iphigénie, c’était parce qu’il était petit-neveu de l’oncle de celui-ci qui en avait

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