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l’argent suite

§. — D’abord nous serons peut-être moins lâches. Que chacun revienne sur soi-même, et en soi-même refasse la longue histoire de ces tristesses. Que chacun revoie, que chacun se remémore la longue histoire de ces tristes années. Combien de fois n’avons-nous pas été lâches. Combien de fois nous sommes-nous mal, ou peu, ou pas défendus contre cette bande. Et combien de fois avons-nous mal, ou peu, ou pas défendu notre pays. Non point tant par lâcheté sans doute que par un relâchement. Il fallait suivre à la piste un homme comme Jaurès, il fallait le suivre à la trace et le harceler constamment et ne pas le lâcher et lui demeurer fidèle et ne pas laisser passer un seul de ses méfaits sans le signaler au moins et sans faire tout ce que nous pouvions pour essayer de le compenser, et de l’annuler, et d’en réparer les effets. L’avons-nous fait. Combien peu de fois. Quels ménagements n’avons-nous pas eus pour ce Jaurès ; quels atermoiements ; quels désarmements nous-mêmes. Quels délais ne lui avons-nous pas accordés. Quelles rémissions ; quels ajournements. Combien de fois lui avons-nous laissé la paix, lui qui n’a jamais laissé la paix à son pays. Il fallait le suivre pas à pas ; et marquer tous les points ; et marquer tous les coups. L’avons-nous fait. Nous l’avons laissé opérer dans la tranquillité la plus grande et nous lui avons incessamment accordé des silences qui étaient comme des connivences et presque des complicités. Nous avions tant à faire. Mais il fallait faire plus encore. Il fallait suffire à tout. Et inventer d’être encore plus forts ; et

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