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un grand vieillard. Il n’y a que deux Testaments,[1] mais il y a cinq règnes : le règne minéral, le règne végétal, le règne animal, le règne humain et le règne chrétien ; ou si on préfère pour les deux derniers le règne de l’homme et le règne du chrétien. Et il n’y a pas moins d’écart et il n’y a pas moins d’avènement et il n’y a pas moins de discontinuité du troisième au quatrième et du quatrième au cinquième qu’entre n’importe lesquels des trois autres. L’homme est autant une création dans l’animal et le chrétien dans l’homme que l’animal ou que le végétal sont une création dans la matière brute. J’y consens, restons dans le païen, demeurons dans Nestor, et dans le conseil des vieillards. Nul n’est grand comme le vieillard dans la prosodie païenne, nul n’est grand comme le vieillard dans la cité antique. Et il serait trop long d’en énumérer les raisons. C’est la sagesse ; et c’est l’antiquité même. C’est qu’ils savent des histoires de l’ancien temps. C’est aussi l’avancée de la grande mort, si grande dans la cité antique. C’est l’imminence d’un jugement tout de même et la dernière instance et Charon et Virgile et l’obole et la barque et Minos et Racine et Thésée et la descente aux pâles Enfers. Et c’est la race et c’est les autels des aïeux et c’est ce qui ne recommencera jamais, et cette jeunesse que l’on ne verra plus. Et c’est le conseil des anciens. Et c’est cette longue histoire, l’histoire de la cité, l’histoire de la race, leur propre histoire. C’est cette longue mémoire pleine et montante comme un épi. Dorée comme un épi. Mûre comme un épi.

  1. L’ancien et le nouveau.
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