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peut même y perdre ceci : qu’il reçoit des coups de poings sur la gueule.

§. — Ces grands révolutionnaires veulent bien révolutionner le monde. Mais ils ne veulent pas révolutionner un meeting, ni se révolutionner eux-mêmes. C’est trop dangereux. Et simplement peut-être c’est trop fatigant. On peut dire qu’aujourd’hui et dans tout le monde bourgeois et de toutes les cérémonies du monde bourgeois un meeting révolutionnaire est sans aucun doute la cérémonie la plus et la mieux réglée, la plus traditionnelle, la plus conservatoire, la plus comme d’habitude, la plus conforme aux précédents, la plus toujours la même. C’est beaucoup mieux réglé qu’une journée à Auteuil, et que n’importe quelle première de théâtre. Et que le 14 Juillet à Longchamp ; et même que la revue de printemps à Vincennes. On peut dire que de tous les publics que l’on peut assembler à Paris dans une salle quelconque le public d’un meeting révolutionnaire est le seul qui soit absolument sûr de ne pas être brusqué. Il va aux mêmes heures, aux mêmes jours, dans les mêmes endroits, écouter les mêmes hommes dire scrupuleusement les mêmes choses. Nulle tradition n’est aussi solidement établie que la tradition révolutionnaire. Nulle conservation n’est aussi solidement établie que la conservation révolutionnaire. Le public d’un meeting y va avec cette idée, toujours justifiée, qu’il y recevra certaines excitations. Il sait tout d’avance, à un centigramme près. Et il n’y a pas de danger qu’on le frustre. Et qu’on dose autrement. Car c’est lui le maître, et le

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