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hommes et les dieux, si la Grèce antique elle-même n’était point née, une fois, si elle n’était pas venue, au monde, cette fois, si ce langage n’avait pas sonné dans l’histoire du monde, si le talon de cette race et la résonance de ce pas n’avait pas sonné sur le pavé du monde, si la Grèce antique n’avait point prononcé une fois pour toutes la parole antique, par quelles misérables mixtures prétendues scientifiques, par quelles pauvres combinaisons, scientifiques même véritablement, qui eût rien pu faire de comparable à cette invention merveilleuse.

Ainsi des autres. Ainsi de tous les autres, du cartésien, du kantien, du bergsonien. Et ainsi, infiniment plus, du chrétien. Et infiniment autrement.

De telles pertes sont irréparables. Une diminution générale de la culture, un réenvahissement de la barbarie nous enseignent assez, nous font assez voir et mesurer quelle était la valeur et le sens, quel était le prix, le rare prix de la culture antique, éminemment de la culture hellénique, depuis quelques années seulement qu’une poussée de la démagogie primaire politicienne et de la démagogie scolaire intellectuelle moderne, bassement utilitaire, l’a fait chasser de nos enseignements. À la grandeur du défaut, à la grandeur de ce qui nous manque, aujourd’hui déjà, nous pouvons mesurer la grandeur de la perte. Demain, et infiniment plus, et infiniment autrement, quand la même poussée, s’attaquant successivement à toutes les cultures qui ont fait la grandeur et la force et la moelle de l’humanité, aura commencé de ruiner dans les consciences un christianisme quinze et vingt fois séculaire (on peut compter sommairement vingt siècles, parce que s’il y a eu la