Page:Cahier de la quinzaine, série 8, cahier 11, 1907.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

renaissances, toutes merveilleuses, toutes miraculeuses qu’elles soient, sont toujours fort incomplètes, et, quand elles ne demeurent pas complètement impossibles, quand elles naissent, naissent et demeurent éminemment précaires. En ce double sens, premièrement qu’il est précaire qu’il y en ait, qu’elles sont aléatoires, et deuxièmement, que quand par événement de fortune il y en a, elles sont et demeurent incomplètes et précaires. La grande Renaissance, la Renaissance des quinzième et seizième siècles, celle enfin que nous nommons la Renaissance, sans plus, fut une véritable merveille dans l’histoire de l’humanité. Elle n’en était pas moins fort incomplète. Et nous pouvons voir aujourd’hui, nous pouvons mesurer combien elle aura été précaire.

C’est pour cela que nous ne pouvons absolument pas compter sur les renaissances. Nous n’avons absolument pas le droit de tabler sur elles pour précipiter les chutes, pour précipiter, pour souffrir, pour souhaiter les ruines et les pertes ni les morts. On sait ce que l’on perd. On ne sait jamais ce que l’on rattrapera. Ou plutôt on sait de certain premièrement qu’il y a un risque et que l’on n’est jamais assuré de retrouver rien, deuxièmement que ce que l’on retrouvera, que ce que l’on rattrapera ne sera jamais que le fruit d’une renaissance incomplète et précaire.

C’est enfin pour cela qu’il est permis de dire que dans cet ordre les pertes sont irréparables. Si Platon n’était point venu, n’était point né, n’avait point parlé, une fois, si cette voix, si le langage nommé la philosophie platonicienne et plotinienne une fois, cette fois, n’avait point résonné, généralement si le peuple et la race, les